Trois petits bonhommes
- Karine Ulcoq
- 28 juin 2024
- 3 min de lecture
Aujourd’hui, en même temps que la cloche, sonnait la fin de l’année scolaire dans le système français.
Alors que j’attends mes grands à la sortie de l’école, avec mon tout petit accroché à mes jambes, j’entends ce fameux 'Driiiiing' accompagné aujourd’hui des cris de joie des élèves.
Ça y est, ce sont les vacances qui commencent ! Certains parents diront « Enfin ! », d’autres, désemparés, ne pourront cacher leur angoisse devant ces deux mois qu’il faudra remplir pour éviter l’ennui …
Les voilà qui sortent, le premier calme, posé, mesurant le « solennel » du moment, l’autre courant à toute vitesse, les sacs virevoltant en tous sens, pressé de passer la grille !
Dans mes bras, celui qui bientôt entendra tous les jours cette cloche, lui aussi.
Pour chacun d’eux, pour chacun de nous, ce moment marque un passage.
Pour le grand, c’est la fin du primaire. L’année prochaine, c’est le collège. Il sent bien que c’est un moment important, ses premiers mots sont bien ceux-là « Ça y est, maman, j’ai fini le primaire ». Il nous explique alors dans la voiture, avec ses mots à lui, qu’il réalise bien qu’il va quitter cette bulle, ce monde qui lui est familier, ce terrain connu pour rejoindre l’univers des grands, celui où la prochaine étape, c’est être adulte.
Il raconte ses « au revoir » à tel copain qui s’en va, tel autre qu’il ne verra pas pendant les vacances, tel prof ... On sent le regret dans certains ‘au revoir’, le soulagement dans d’autres. Comme moi, il porte le poids des fins, si petites soient-elles, il sait déjà que les passages, c’est important.
Pour le cadet, les transitions sont plus rapides, il conjugue le présent à tous les temps. Le futur, c’est pour les adultes, on verra plus tard. La veille, on avait préparé les cadeaux pour ses deux enseignantes. Je lui avais demandé d’écrire un mot sur l’enveloppe, il avait écrit 'I love you'. Je lui avais demandé « c’est tout ? », il m’avait répondu « ben oui ». Pourquoi dire 'merci' si on peut dire 'I love you' ? En route vers leur fast-food préféré (il faut bien fêter ce grand jour), il se met, lui aussi, à raconter. Avec moins de projections, on reste dans l’instant. On pense à ce qu’on va manger, au week-end qui arrive. Aux oubliettes déjà, les 'au revoir' et les 'I love you'.
Enfin, le tout petit rajoute son grain de sel car lui aussi "est allé à l’école ce matin", pour visiter sa future classe. Il avait mis pour l’occasion ses lunettes de soleil qu’il n’a enlevées qu'à l'intérieur, sac à dos sur les épaules avec trois fois rien dedans. Il a tout observé, regardé partout autour de lui, mais seuls ses yeux se sont déplacés, ses jambes n’ont pas bougé et sa main est restée solidement accrochée à la mienne. Mais enfin, il pourra se projeter sur ce grand univers qui l’attend de pied ferme. Il n’y échappera pas. Comme il le dit si bien « Z’aime grandir, maman, mais toi tu veux pas que je grandir ».
Bien sûr que je ne veux pas que tu grandisses car tandis que tu souffles tes bougies, moi, c’est la mienne qui s’affaiblit. Et puis, comme ton grand frère, je préfère le présent moi aussi. Car le futur, c’est un peu comme l’orage : c'est fascinant mais c'est effrayant.
Eh oui, ce dernier jour d’école, c’est un peu tout cela : une transition, un passage, la fin d’un cycle, la fin d’une ère. Et, pour eux, ça ne dure que quelques minutes, quelques heures peut-être. Lundi, l’école sera déjà loin, ils parleront peut-être même de la rentrée.
Pour moi, ce dernier jour d’école, c’est aussi et surtout une boucle qui se boucle, et pas n’importe laquelle. Comme eux, j’ai galéré. Comme eux, j’ai grandi. Comme eux, j’ai appris.
Mais sans professeur, ni bulletin, ni récompense, ni cloche.
Je les ai eus, eux, tout simplement, avec leur force et leur résilience à toute épreuve.
Et ça, ça vaut bien plus que n'importe quel diplôme.
Trois petits bonhommes dont le quotidien a changé du jour au lendemain, trois petites têtes qui ont vite compris que la vie ce n’est pas toujours un long fleuve tranquille, trois petits cœurs résistants qui ont su braver les tempêtes à la force de leurs sourires, trois petits mentons parfois tremblotants mais toujours relevés, trois petites paires de jambes qui ont parcouru ce long chemin, cabossés mais toujours debout, avec pour tout bagage leur courage immense.
Oui, pour moi, cette cloche aujourd’hui, c’était ce bruit que fait la joie quand elle reprend sa place avec fracas, en criant « Ça y est ! On y est arrivés, au bout de cette année ! ».
Allez, vive les vacances !
Ils sont merveilleux ces 3 petits bonhommes, bravo Karine !