Quand tu as passé la trentaine, que tu travailles à temps plein et que tu as des enfants, garder la forme physique n’est pas chose facile ! Tu manques cruellement de temps et encore plus d’énergie …
Lorsque ton regard croise parfois sur des photos-souvenir la version jeune (et belle) de toi-même, avec 10 années et un nombre indéfini de kilos en moins, tu te rends compte à quel point cette époque est révolue et que tu étais, sans même le savoir, déjà arrivée à ce sommet duquel on doit redescendre pour pouvoir goûter aux joies de la maternité et de la maturité. Naïve jeune femme en devenir, tu surfais à ton apogée, sans une once de fierté.
Mais comme maintenant tu sais (merci à ton reflet), tu décides de ne pas te résigner. Bien entendu, tu ne crois pas aux miracles, tu sais bien que tout résultat est le fruit d’un travail et d’efforts bien fournis. Tu prends donc de grandes résolutions et tu empruntes le chemin qui te mènera à nouveau au sommet : tu décides d’aller à la salle de sport.
Tu t’équipes, tu t’inscris, tu aménages ton planning, en avant marche !
Ce matin-là, la nuit n’a pas été fantastique (merci à la petite fièvre qui monte juste quand les parents vont dormir ou simplement à l’envie de les réveiller en pleine nuit pour s’assurer qu’ils ne sont pas partis sur Jupiter et surtout s’en assurer jusqu’au petit matin). Tu es donc cernée, les cheveux pas encore lavés (forcément, tu vas les laver après), tu n’as plus de shampooing sec, ce n’est pas grave, tu vas à la salle de sport, pas au resto. Tes vêtements ne sont pas très tendances, tu privilégies le confort à l’esthétique. Mais tout ça ce ne sont que des détails (enfin, c’est ce que tu pensais).
Tu arrives toute fière, le menton relevé, la tête haute. Tu t’installes, la gourde bien remplie, la petite serviette bien accrochée, les écouteurs dans les oreilles. La musique démarre, le tapis de course se met en route. Bien sûr, tu ne cours pas tout de suite, il faut te décoincer les muscles, tu marches un peu (5 minutes pas plus), tu augmentes le volume puis la vitesse du tapis, tout doucement, par paliers (tu ne prends aucun risque à ton âge quand même) et tu te mets à courir, enfin. Tu sens alors que tu n’es plus sur un tapis de course mais bien sur ce chemin qui va te ramener au sommet, tout en haut, d’où tu pourras enfin regarder toutes ces autres qui n’ont pas eu ton courage et ta persévérance. Plus rien ne peut t’arrêter, tu es légère, forte, redoutable, indomptable, guerrière, extraordinaire … Adieu désespoir, cernes, rides et poids des années. Tes kilos se transforment en grammes et tes chaussures en fusées. Tu es dans ta bulle, celle de la jeunesse enfin retrouvée. Comme quoi, ce n’était pas si difficile, il suffisait de s’y mettre, c’est tout. Tu ris de toi-même : tant de larmoiements pour pas grand-chose, le sommet n’était pas si haut finalement !
Cela dit, tu ne perds pas le nord et tandis que ton point de côté te rappelle que bien respirer est essentiel, tu décides de faire une pause, minuscule, juste le temps d’éponger les petites gouttelettes qui perlent à ton front et désaltérer ta gorge à peine sèche.
Et là, tu la vois. Elle arrive dans la salle, détendue, tranquille (elle a surement mieux dormi que toi), la tête haute (elle est quand même très grande), elle dit bonjour aux uns et aux autres, elle les connait tous, elle est ici chez elle. Ses vêtements cachent l’essentiel, elle peut se le permettre, musclée mais pas trop, les couleurs fluos mettent en avant son teint parfait, tout s’accorde, chaque détail est pensé, jusqu’aux lacets de ses chaussures qui sont identiques au petit haut qu’elle porte comme une seconde peau. Et ses cheveux, parlons-en de ses cheveux. Alors que tu repousses une mèche qui t’est restée collée au front pour mieux la voir, tu découvres les siens, longs, blonds, droits, bien coiffés (elle ne se serait pas fait un brushing avant de venir ?).
Tu te raccroches alors au dernier espoir, l’ultime, et tu te dis qu’en fait, elle est là juste pour la parade, elle n’est pas une « vraie » sportive comme toi, elle. Tu la regardes s’installer sur son tapis de course, tu te prépares à pousser un soulagement intense (peut-être même rigoler un peu) car tu sais bien qu’elle va marchotter, téléphone à la main, le regard à droite, à gauche, 5 minutes pas plus, elle ira surement ensuite « testotter » une autre machine pour ne pas perdre la face et elle s’en ira, comme elle est arrivée, le front lisse et sec et les cheveux droits et bien coiffés. Tu attends, sourire aux lèvres, le grand démarrage. Ça y est, son tapis démarre. Elle fait un pas, puis deux et là tu n’y comprends plus rien car elle accélère, elle court tout de suite, pas après 5 minutes, non, mais plutôt 5 secondes. Et pas à petite vitesse, non, elle court vraiment ! A l’aise, les cheveux bougent à peine, les jambes sont fermes et musclées, elle accélère, pas une goutte de sueur sur son front lisse.
Tu restes la, hébétée, et tu entends alors un bruit sourd qui te sort de ta torpeur.
Non, ce n’est pas la blonde qui est tombée de son tapis.
C’est le bruit de ta chute vertigineuse après la folle ascension du sommet de tes illusions !
Sérieusement, on ne pourrait pas avoir des créneaux spécifiques à la salle de sport, juste pour nous, les escaladeuses des sommets envolés ??
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