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Photo du rédacteurKarine Ulcoq

Aller simple pour le Sahara

Il y a quelques jours de cela, j’écoutais un podcast, en route vers le travail, dans ces heures que l'on dit perdues mais qui, ce jour-là, ne l'étaient pas du tout.

Ce podcast parlait de l’hypersensibilité en général et décrivait une de ses nombreuses déclinaisons, en l’occurrence : l’hyperacousie. Quelle surprise et surtout, quel soulagement en entendant cette dame expliquer dans les moindres détails ce qui se passe dans mon cerveau. J’ai enfin pu mettre un mot sur ces grands moments de solitude que je vis à chaque fois que je réalise que personne autour de moi ne semble être dérangé par une pollution sonore qui, moi, m’agresse.

La dame du podcast parlait aussi du fait que les personnes hypersensibles ont un cerveau qui captent tous les sons, c’est-à-dire qu’il ne sait pas filtrer. Ainsi, lorsque la voix de quelqu’un est trop basse par rapport aux sons environnants, on n’arrive pas toujours à comprendre ce que notre interlocuteur nous dit car notre cerveau ne peut pas faire abstraction de l’environnement sonore. C’est la première fois que j’entends ça, quelle révélation ! J’étais absolument persuadée de ne pas bien entendre. Combien de fois je me suis dit qu’il fallait que je prenne rendez-vous chez l’ORL pour me déboucher les oreilles. Heureusement que cette dame m’a parlé ce matin-là car je n’ose même pas imaginer les dégâts que j’aurais fait à mon cerveau si j’étais allée jusqu’au bout ! Augmenter ma sensibilité aux bruits : une pure folie !


Intriguée et curieuse, j’ai effectué quelques recherches par la suite, il me fallait aller jusqu’au bout de ce nouveau terme qui en mettait justement un à mes éternelles ritournelles.

Selon la Toile : L'hyperacousie est une hypersensibilité aux sons, jugés habituellement "normaux". Une sirène de pompiers, une soirée animée ou encore un simple couvert tombant de la table sont autant de situations intolérables pour les gens qui en sont atteints. L'hyperacousie se manifeste par une intolérance à certains sons habituellement bien supportés. Il s'agit le plus souvent de bruits du quotidien tels que le volume sonore d'une conversation normale, le bruit d'un aspirateur, la sonnerie du téléphone, etc.


Jusque-là, ça va, je me retrouve. Il s’agit bien de cette difficulté à supporter des bruits que l’on décrit comme normaux, des bruits de la vie de tous les jours, du quotidien. Une télévision qui reste allumée, le bruit d’une porte qui claque et qui reclaque, des klaxons qui te font sursauter, un grillon qui se croit à l’opéra, des crapauds qui rivalisent avec le grillon, des perceuses, des bus, des concasseuses, des marteaux. Ou même des bruits moins banals tels que l’homme avec qui tu vis qui décide de se mettre à l’harmonica. Un homme déterminé qui va jusqu’au bout de tout ce qu’il entreprend. Ô désespoir.

J’ai encore la chair de poule quand je repense aux réunions de travail pendant la période de confinement, à travers nos écrans et nos écouteurs. Il arrivait à certains collègues de ne pas se rendre compte que leur aspirateur en bruit de fond ou leur stylo qui tape sur leur bureau juste à côté de leur micro pouvaient être une réelle souffrance pour les oreilles qui se trouvaient de l’autre côté, en l’occurrence les miennes !


Oui, je me sens souvent agressée. C’est un mot qui peut paraitre trop fort, je le concède, mais c’est ce que je ressens lorsqu’un son trop élevé percute mes oreilles. On se sent terrassé par cette vibration sonore qui paralyse notre cerveau. On ne peut plus réfléchir, réagir, on est comme sonné, c’est le cas de le dire, on arrête tout, on implose, on espère et on désespère … Pourvu que ça s’arrête ! J’exagère à peine. C’est juste insupportable.


Et puis il y a ces situations qui ne se disent pas toujours à voix haute. Comme le bruit que font nos propres enfants. Parfois, rarement, j’ai osé dire, murmurer plutôt, mais je me suis arrêtée net, car « un enfant, c’est vivant, c’est bruyant ». Oui c’est vrai, et pour rien au monde je ne n’échangerais leur bruit au silence du vide mais … comme c’est dur parfois ! Surtout quand tu le vois, Lui, impassible, tranquille, serein, posé, calme, souriant, content, joyeux alors que tout autour de nous, c’est l’explosion, les hurlements, l’excitation, les disputes, les pleurs, les cris … Dans ces moments-là, la solitude est immense, insoutenable, presqu’autant que le bruit environnant. On a envie que ça s’arrête, alors, bien entendu, on hurle plus fort, on crie « stop, assez, on arrête, on se calme ! » Et l’effet est immédiat. Notre voix se perd dans ce tintamarre monumental. Et Lui, il est là, il te regarde, impassible : « mais pourquoi tu cries ? ». Mais, pourquoi je crie ??? Mais tu n’entends pas tout ce bruit ?? Tu n’entends pas les explosions dans tes oreilles, tu n’entends pas ton cerveau qui t’abandonne, tu n’entends pas cette vague qui te terrasse ???

Non il n’entend pas. Car, j’ai appris aussi que l’hyperacousie a un contraire : l’hypoacousie. L'hypoacousie désigne une baisse partielle de l'audition. Elle peut avoir des causes diverses comme le vieillissement des cellules dues à l'âge ou encore l'exposition prolongée à des sons dont le volume dépasse les 85 décibels. Elle peut être définitive comme temporaire.


Je ne suis pas scientifique, ni ORL, ni médecin, mais je suis sure d’une chose : l’hypoacousie trouve ses racines dans un chromosome bien spécifique, celui qui fait la différence, celui qui décide si l’on est homme ou femme, celui qui chasse notre deuxième X. Oui petit chromosome Y, tu es la personnification même de ce concept scientifique très sérieux qu’est l’hypoacousie.


Mais toutes ces recherches ne répondent pas à la question fondamentale. Certes, je comprends mieux maintenant mes neurones qui s’affolent, mon rythme cardiaque qui s’emballe, mes narines qui gonflent, mes oreilles qui sifflent, mon incapacité à accueillir les hurlements de mes enfants et le martèlement du stylo sur le clavier, je comprends mieux cette envie folle que j’ai au moins une fois par jour de partir loin de tout, loin du bruit, cette joie intense que je ressens lorsque je suis sous l’eau et que mes oreilles s’apaisent dans ce tourbillon de bulles. Oui, définitivement, je comprends mieux et je me sens moins seule. Mais il reste une question à régler, car la vie, du moins celle que l’on mène, ne se passe pas sous l’eau : comment on gère ?

Là encore, mon amie la Toile me répond :

En prévention, il est vivement conseillé de se protéger de tout bruit excessif par quelque moyen que ce soit. Le port de protections auditives (casque antibruit, bouchons d'oreilles) est conseillé en cas d'exposition prolongée à un fort niveau sonore : travaux, environnement professionnel bruyant, circuit automobile, concert, etc.


Bon, il ne me reste plus qu’à choisir la couleur de mon casque ou de prendre dès maintenant un aller simple pour le Sahara.

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